Je n’avais pas prévu un billet de ce genre maintenant. En fait, il s’agit ici, en quelque sorte, d’une réponse personnelle au dernier podcast de Mangacast.fr qui est consacré aux éditeurs avec pour thématique « Débat : Fansub/Scantrad, quelle place pour la traduction de fans ? » (avec des invités de Dybex, Wakanim et Kurokawa). Il faut l’écouter, vraiment !
C’est pour moi l’occasion de mettre à plat tout ce à quoi je pensais, depuis quelques temps, et de donner mon avis. Évidemment, ce dernier n’engage que moi et il vaut ce qu’il vaut.
Le fansub, prendre conscience du problème
Je ne vais pas mentir, j’ai consommé du scantrad. Et j’ai consommé du fansub, et récemment encore, épisodiquement. Comme on le dit, il faut balayer devant sa porte avant de regarder chez le voisin. Je ne suis pas blanc comme neige, loin de là. Surtout côté fansub.
Pourtant, j’étais un « ange » au début. Avant, les animés c’était soit à la télévision, avec le câble au domicile familial, soit sur ma propre télé et mon lecteur DVD. J’ai découvert la japanime ainsi. .hack//SIGN, Gundam SEED, Silent Mobius et d’autres sur le petit écran chaque semaine. Je me saignais pour m’acheter les coffrets DVD de Tsubasa Chronicle à chacune de leur sortie. J’en ai encore des centaines de souvenir ! Quelle impatience pour trouver le nouveau DVD de Gundam SEED Destiny dans le rayon de sa Fnac à Caen pour enfin connaître la suite ! Tu te remettais cinq fois, dix fois, vingt fois la galette dans ton lecteur en attendant la prochaine sortie ! Aaaah…
Cependant, je suis devenu un démon lorsque j’ai eu mon premier ordinateur et internet, après mes vingt ans (un poil en retard sur ma génération~). Un autre univers s’ouvre alors à toi : des centaines d’animés tout frais dispos, facilement et gratuitement ! Évidemment (?), tu fonces, tu ne poses pas de question. Et je suis resté ainsi longtemps sans réellement m’en poser, ou alors en les balayant d’un revers de la main avec, par exemple, le vieux prétexte habituel « j’achète à côté des DVD ». Je m’achetais aussi sûrement une bonne conscience comme ça, tiens.
J’ai grandi, et, sans doute, je suis devenu un peu moins con qu’avant. Certes, j’ai une vidéothèque dont je suis assez fier, mais quand je compare ce que j’aurais dû acheter et ce que j’ai effectivement pris, la pseudo fierté en prend un coup.
Puis, par exemple : pourquoi n’ai-je – jamais – pu accepter l’idée même de m’acheter une R4 pour ma Nintendo DS afin de jouer illégalement à des milliers jeux ? (Pourtant j’ai été très souvent encouragé à le faire) Ma réponse : non, ce n’est pas bien, ce n’est pas correct, c’est illégal ! Alors que, à côté, tranquillement, j’acceptais la simple idée même de regarder – illégalement – des animés par le biais du fansub. Logique de mon cerveau où es-tu ? Le problème de conscience et de morale est tout à fait le même pourtant, mais j’avais deux réponses différentes…
Une alternative légale et intéressante existe désormais
Depuis 2010-2011, ma vision a progressivement changé. Il a fallu du temps. Pour plusieurs raisons. La première : je suis devenu moins boulimique niveau animés. En volume, j’en regarde beaucoup moins qu’à mes débuts sur internet. J’ai un rythme beaucoup plus rationnel qui m’a amené à demander, non, à exiger moins de quantité. Du coup, tu prends le temps de te poser et de regarder un peu autour de toi ; tu te poses des questions.
Deuxièmement, surtout depuis 2012, j’ai trouvé une réponse avec le simulcast légal. D’abord Dybex, mais surtout ensuite avec Wakanim qui a décollé. Au début, j’ai suivi avec une certaine curiosité ce nouvel éditeur qui arrivait, dans le paysage francophone, un peu comme un ovni. Aujourd’hui, je considère que Wakanim est l’éditeur qui répond le mieux aux attentes d’un public très capricieux (dont je fais parti) ; sa popularité n’est pas anodine. J’apprécie vraiment leur travail et il me donne l’impression d’aimer ce qu’ils font. J’aimerais aujourd’hui dire du bien de Kazé (et maintenant ADN), mais je n’y arrive pas. Pourtant, ils ont le potentiel d’offrir quelque chose d’excellent, ils en ont les moyens ! Mais non… Enfin bref, c’est un autre débat.
Tout dernièrement, c’est Crunchyroll qui a débarqué, comme une bombe, chez nous en nous offrant un équivalent en français du monstre anglophone. À titre personnel, je considère que, cet automne, malgré cette arrivée inattendue, ce sont eux qui présentent la meilleure offre. Je suis séduit, j’ai pris un abonnement chez eux.
J’ai toutefois un peu peur que Crunchyroll.fr – avec ses moyens colossaux – cannibalise le marché français. Ils n’en resteront pas là après un tel coup d’éclat. Puis, je trouve que ce site/éditeur a un gros avantage sur ses concurrents : l’aspect communautaire de leur plateforme. Je ne sais pas si ADN ressemblera à la plateforme web de Kazé, à voir. Mais concernant Wakanim, certes, t’as une pseudo page personnelle, mais, au final, tu ne passes sur leur site que pour voir le dernier épisode sorti (logique) ou pour lire, de temps en temps, une news, rien de plus. Même, leur forum est peu lisible. S’il y a une véritable communauté autour de Wakanim, aujourd’hui, je ne suis pas pour autant entièrement convaincu qu’elle lui soit si fidèle que ça. Des hits comme L’attaque des titans ne se répéteront pas toutes les saisons.
J’espère que mes craintes ne resteront que des craintes.
Pour en revenir à nos moutons : tout cela pour dire que pour la japanime : le fansub, c’est fini ! (Et pour moi aussi.) Certes, il n’a pas encore disparu, il prendra du temps à disparaître, mais – et je l’espère – il est fini.
On a désormais une vraie offre légale, intéressante niveau contenu et niveau prix. Elle ne devrait maintenant plus que se développer dans les mois à venir. Cet automne, 90% des animés de la saison sont disponibles légalement chez nous. Tant mieux, je m’en réjouis même.
Cependant, il faut que l’offre légale devienne plus qu’une simple alternative (ce qu’elle est encore aujourd’hui), elle doit devenir le réflexe naturel des gens qui veulent regarder des animés !
Et c’est quelqu’un qui a consommé beaucoup de fansub qui dit tout ça. Il faut savoir tourner la page. D’ailleurs, au passage, à propos d’un argument qui est souvent utilisé par les défenseurs du fansub : ce serait grâce à ce travail de fans (pour les fans) que la japanimation et le manga seraient devenus aussi populaires en France ! Non. Il a pu aider un peu à ce phénomène, mais il ne l’a pas créé. En fait, il en est né et l’a accompagné grâce à l’explosion d’internet.
En ce qui me concerne, j’ai découvert l’animation japonaise avec des séries comme Sakura Chasseuse de Cartes, Pokémon ou Yu-Gi-Oh, j’ai ensuite découvert plus tard un nouvel horizon plus large avec des titres tels que ceux que j’ai déjà cités plus haut. C’est sans compter l’influence qu’ont tenu les Rpg japonais dont je suis très friand depuis le lycée (et le collège en comptant Pokémon). C’est pareil pour le manga. Alors que je découvrais ces merveilles, j’ignorais tout du fansub et scantrad !
Le scantrad ? Le papier, ce n’est pas la même chose...
Justement, concernant le manga, la situation est très différente. En fait, ma consommation de productions illégales a été fortement limitée par deux choses.
– J’aime le livre en tant qu’objet, j’aime le posséder, donc j’achète. Et le manga est un livre. Ma collection n’est pas énorme, peut-être, mais je suis fier de deux bibliothèques que je remplis avec les séries que je lis. Les livres, le seul moment où ils peuvent poser un petit problème, c’est lors d’un déménagement.
– Deuxièmement, je n’aime pas lire sur un ordinateur (ni sur même une tablette ou une liseuse). Enfin, pour être plus exact : je n’aime pas la lecture suivie et continue sur un support informatique. Ça concerne le manga et le livre en général. Je travaille dans un domaine qui m’amène à passer la majorité de mon temps dans une bibliothèque. Je suis un rat de bibliothèque pour ainsi dire, même si cette image est souvent malheureusement et peu flatteuse dans la bouche de beaucoup de gens. J’aime le contact avec le papier, mais, également, je trouve beaucoup plus agréable et pratique de lire ou de consulter un vrai livre. Un support numérique – même légal – n’aura jamais à mes yeux la valeur d’un livre. Il ne peut avoir qu’une utilité ponctuelle pour vérifier ou consulter des ouvrages ou des articles chez soi. Évidemment, après, cela a un coût, mais c’est ainsi.
C’est aussi pour dire que je suis totalement opaque à toute idée du manga numérique. Même si, pour les éditeurs, il s’agira, à moyen terme, d’un support inévitable.
Bon passons sur cet aspect sentimentaliste et matérialiste. Le dernier scantrad que j’ai lu, c’était Amanchu!, et plus exactement c’était avant que Ki-oon annonce sa licence. Elle remonte à début 2011. Donc, en gros, depuis courant 2010 (?), je n’ai plus lu un seul manga en scantrad. Et encore, avant, c’était limité à quelques titres très ponctuels, Claymore ayant été un temps peut-être le seul que je suivais avec plus ou moins de régularité. Je tiens quand même à signaler que je possède ces séries en version papier (on ne sait jamais), enfin, j’espère que vous n’en doutez pas, au moins pour Amanchu! (et même en japonais pour les deux premiers tomes). Depuis, j’ai pu zieuter (ce qui n’est pas lire) ici ou là quelques pages, rien de plus.
Pour dire que je n’en lis pas : je n’ai jamais lu la fin d’Aria en scantrad ! Justement parce que je refuse de le faire. Lire ainsi un si bon manga, ça me ferait mal au derrière pour être poli.
Mais après ?
Étrangement, c’est quand je me suis rendu compte de tout ça, que je commençais déjà à acheter moins de mangas ou d’animés. Mais en fait, cette baisse a essentiellement des explications financières. Triste réalité de la vie… Cruellement, c’est quand mes moyens financiers augmentent que la part consacrée aux loisirs se trouve réduite de plus en plus pour d’autres raisons…
J’essaye aussi de participer à mon petit niveau à la promotion de la culture japonaise et à son partage entre « fans ». J’administre, depuis 2008, un forum. On y mène une politique « anti-promotion » du fansub et du scantrad depuis déjà quelques années ; pour simple exemple, tous les liens de téléchargement illégaux sont bannis et les personnes fautives sont susceptibles de l’être aussi. Évidemment, on pourra me répondre qu’une partie importante des membres qui suit les séries dont on discute le fait au moyen du fansub. Je le sais très bien. Après, je ne vais pas tous les bannir à cause de ça. En plus, en priorité, je devrais m’auto-bannir sinon. Les habitudes prendront du temps pour changer. Il faut accompagner ce mouvement. Par exemple, depuis quelques mois, on fait l’effort de recenser tous les animés dispos en streaming légal.
Pour finir, dans l’autocritique. C’est bien beau tout ce que je dis, mais ceux qui suivent régulièrement ce blog pourront me répondre aussi : « Et les dramas ? Tu achètes les séries au Japon pour les regarder chez toi ? » Oui, très jolie hypocrisie de ma part, c’est tout à fait vrai. Pour le coup, l’offre légale en France est (quasi-)absente, c’est un fait indéniable. Mais, on en revient au même problème pour le fansub d’animés, cette réponse n’est pas une excuse valable. Un Jdrama-Wakanim ouvre demain ? Je fonce. Mais, aujourd’hui, voilà… Que faire ? Abandonner les dramas japonais ? Je n’en ai pas envie…
Pour la japanime, il y a aujourd’hui une alternative légale. Mais avoir une réponse définitive sur ces questions assez complexes, c’est très difficile.
Enfin, voilà, je pense avoir fait le tour de ce dont je voulais parler. Ce billet n’arrive pas comme ça. Je ne me suis pas réveillé ce matin en paniquant. L’émission de Mangacast.fr m’a surtout motivé à mettre à plat les idées, les réflexions et les (auto)critiques que j’avais en tête. Vraiment, je vous encourage à écouter leurs deux podcasts qui sont intéressants et, ensuite, à réfléchir à tout ça, à ce que vous faites vous-mêmes. Inutile de se flageller jusqu’au sang après.